lundi 7 janvier 2008

ROLAND DANS LE JOURNAL ANTILLA Partie 3

Les ego et la quête des places en politique

La bataille pour les places a toujours existé, mais "quand on veut s'imposer pour faire quelque chose, on finit parfois par s'opposer pour la place, et non pas pour ce que l'on veut faire."

"Ce qui relevait jadis fondamental (la liberté, la noblesse des luttes, ...) a fini par se fondre aujourd'hui dans une sorte de mélange fait de petites revendication personnelles de services ...et tout cela finit par tenir lieu de convictions."


Un regard désabusé sur le phénomène dit de "mondialisation".


les anciens pays du bloc sociétique sont devenus capitalistes.
A quoi bon les millions de morts, les déportés pour cela.

Les jeunes et l'opacité du monde.
Il leur est difficile de se projeter à moyen ou long terme dans l'avenir alors ils se "débrouillent".

Un phénomène semble à Roland particulièrement inquiétant, le fait que des parents puissent oublier un enfant dans une voiture vitres remontées et qui meurent.

Même si on met de côté cette noble pensée, le fait que la paternité amène à devoir aimer ses enfants lui Roland dit ceci :" l'enfant est celui qui est chargé de garder au mieux, un souvenir , une trace, un patrimoine de ses ascendants."



A propos des évènements de décembre 1959 en Martinique

Ces évènements s'inscrivent 13 ans après la départementalisation comme un virage anti-métropolitains, contre des gens qui ont connu la guerre d'Indochine et la guerre d'Algérie

Roland estime que le mouvement qui transporte en masse des jeunes Martiniquais vers la France tandis que de nombreux métropolitains viennent s'installer à la Martinique est porteur de difficultés à terme, et chez lui bien entendu il ne s'agit pas de racisme une fois de plus, mais d'une analyse quasi sociologique.






A propos de l'adhésion de Roland au PPM

"Je n'étais pas très enthousiaste..." Bien sur il y avait Césaire presque divinisé et les autres ...

Un jour celui ci dit qu'il aurait aimé se remettre à enseigner, c'était encore possible dans ces années 60, mais quand il a dit il faut que je prépare ma succession alors là ....


Césaire aurait proposé à Roland alors qu'il était au PSU de prendre quelques PSU sur sa liste aux municipales, mais finalement ce fut repoussé par le PPM.


Ce n'est que bien plus tard à la faveur de la fusion avec le PSM que Roland se retrouve au PPM. Pas très facile de conserver son indépendance d'esprit et de jugement dans un contexte si particulier du nationalisme exacerbé, et en particulier avec Camille Darsières.





Roland était un trop fin analyste des contradictions que l'histoire renferme ou produit pour se laisser enfermer dans une pensée manichéenne où il n'y a de la place que pour le bien et le mal.

ROLAND DANS LE JOURNAL ANTILLA Partie 2


Roland et Balzac :
Roland est un grand admirateur de Balzac. Ses choix politiques à droite n'avait pas d'importance , car "le plus important était sa vision historique", la façon dont dans le roman il explique l'évolution d'une société .

Roland en conclue que "cela m'a permis de comprendre que l'admiration que l'on a pour un auteur ou un individu quel qu'il soit ne doit pas nécessairement vous amener à adopter ses positions". La même chose le guidera en politique.

Roland et la Politique :
A vingt ans, Roland dit qu'alors il n'a pas vraiment d'idées politiques, mais des penchants pour des notions comme la liberté et la démocratie.
Roland a 19 - 20 ans ne se sent pas vraiment concerné par le régime de Vichy instauré par l' Amiral Robert. Ce n'est que progressivement il prend conscience de ce qu'il y a derrière. Et avec la population il vit le choc des images: " je me rappelle l'émotion et le choc terrible des gens quant au malheur des victimes et survivants des camps d'extermination. Et le questionnement comment des personnes ont ils pu faire cela à d'autres personnes."

Les années d'étudiant après guerre à Paris

Roland est parti à Paris en 1946, il s'inscrit en faculté de droit et faculté des lettres en philo. Il connait la grande époque de Saint Germain des Prés.
"A cette époque là il n'y avait pas cette forme de racisme comme cela est parfois le cas actuellement."
Il n'y avait pas d'hostilité vis à vis des gens "différents".

La majorité des étudiant étaient communistes, lui Roland non.

Dans les années cinquante on ne fait pas dans la nuance : soit on est de droite et même fasciste aux yeux de la gauche, soit on est communiste. Roland qui ne fut jamais de droite ne fut jamais non plus communiste : difficile donc à classer.

Et encore plus lorsque l'on apprend de sa bouche qu'il a lu non seulement les textes de base, mais aussi des textes comme ceux de ceux qui sont passés par les Goulag, comme Victor Krachenko.

L'élément déclenchant de son ancrage à gauche vont être les diverses épisodes des guerres coloniales et la découvertes des exactions du Ku Klux Klan contre les noirs aux USA.

Lui Roland déclare : "J'avais tendance à ne pas m'arrêter au factuel, mais à essayer de comprendre certaines situation en profondeur." Lisant cette phrase de George Bernard Shaw : "l'américain a réduit le Nègre au rang de cireur de chaussure, il en a conclu qu'il n'était bon qu'à ça." En philosophe, il ne s'arrête pas à la boutade, mais au renversement de la cause et de l'effet. Il prend conscience que le racisme fonctionne comme un système de justification de l'esclavage.


Regard sur Frantz Fanon

Une admiration pour "une forme de vivacité, de manière d'aller au plus avant et de répondre avec urgence aux situations."

Fanon parti en dissidence pour se battre contre Hitler et le racisme, s'il fut un anticolonialiste convaincu, "n'a jamais été un anti français, ou anti blanc primaire."

Le PSU et l'après 1959

L'histoire à la Martinique de ce petit parti le PSU parti Socialiste Unifié, reste à à écrire. Il serait temps car la majorité de ses militants historiques s'en vont comme Roland. Son impact idéologique fut proportionnellement inversement proportionnel au nombre de ses militants: une poignée. Les publications très documentées et très critiques du PSU furent attaquées à droite puisque l'on y critiquait la départementalisation, mais aussi à gauche chez les Communistes et à la SFIO .

La force et la faiblesse de ce parti, c'est qu'il n'a pas d'ambition électorale. "Nous avons fait de petites campagnes électorales mais c'était pour prendre la parole." Le PSU cherchait à éclairer les possibles.

Roland, le PPM et Césaire :

Après les élections présidentielle qui portent Giscard au pouvoir, c'est la refondation d'un nouveau parti socialiste et d'une section locale du PS français. Le PSU entre temps s'est auto sabordé et une partie d'entre eux est venu grandir les rangs du PS. Serge jean Louis est alors Secrétaire Général et Claude Lise lui succédera. Mais des divergences importantes se font jour avec les instances nationales du PS, et finalement la fédération locale va éclater donnant d'une part le PSM (parti socialiste Martiniquais) où partent la majorité des militants avec Claude Lise et d'autre part la FSM où reste en particulier Jean Crusol.

Lorsque Roland écrit qu'il y avait dans ce PSM quelques métro, il oublie de dire aussi quelques békés qui n'avait aucune difficulté à militer dans un parti socialiste martiniquais. On trouvait de même cette composition sociologique au GRS. Il va sans dire que ces militants dévoués, ont jugé très sévèrement une éditorial du PPM invitant les français à faire leur valise. Aussi lorsque il fut décidé sans clarification préalable de négocier en bloc, l'adhésion du PSM, au PPM, le rapprochement avec le GRS ayant avorté, ces militants ne purent accepter de se joindre au mouvement, alors que le fait de se regrouper sous la bannière de Césaire les motivaient énormément.

Pas moyen d'en appeler à Césaire. Il était comme isolé dans son propre parti, il a toujours quasi impossible de le rencontrer sans que quelqu'un soit présent. Ou bien alors Césaire invite son interlocuteur à une promenade dans divers lieux qu'il aime et à pied se termine la conversation.

Cette greffe entre PPM et PSM peu préparée en profondeur n'a pas eu tous les résultats escomptés. Des des ex-militants PSM étaient vécu comme une menace pour les postes politiques auxquels les uns et les autres aspiraient. Roland lui n'ayant pas d'ambition personnelle s'en fichait.








ROLAND DANS LE JOURNAL ANTILLA 1

Cet entretien de Roland Suvelor paru dans le journal ANTILLA en Aout / Septembre 2008 est important. C'est l'une des dernières interview écrite qu'il a donnée aussi pour aider ceux qui ne l'ont pas connu ou peu connu, je le reprend intégralement ici.

Première Partie

Roland qui n'aimait pas parler de lui même, mais était un excellent conteur, accepte de se livrer ici en public, comme il le faisait souvent dans les conversations en petit groupe d'amis.

Né à Paris le 16 novembre 1922. Ses parents et lui reviennent à la Martinique alors qu'il a trois mois.

Il passe toute son enfance et son adolescence à la Martinique. Il apprend à lire au couvent de la Redoute sur les hauteurs de Fort de France, (là où trente ans plus tard moi même je ferai de même).

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Il descend en ville, à Fort de France où il entre au "Grand Lycée, qui était à l'emplacement actuel du collège Julia Nicolas, puis entre en 1937 au tout nouveau Lycée Schoelcher. Il passe son bac en 1940.

Il devait partir poursuivre ses études en France, mais avec la guerre "mon père n'était guère partant pour que j'aille à Paris". Il s'inscrit donc à l'Ecole de Droit (Devenu Institut Vizioz) créée en 1880 et que fréquenta entre autres Jules Monnerot.

"En même temps, j'avais un intérêt assez, voire très poussé pour la littérature, intérêt dû en grande partie au fait que j'avais l'avantage d'avoir des parents qui lisaient."

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A la question : "Précisément, quel était le métier de vos parents ?" Roland répond sans détour :" Mon Père est né en 1886. Il était d'une famille du Morne Vert, une famille modeste. Sa Grand mère était fille d'esclave, elle avait été affranchie à l'âge de 27 ans en 1844." "elle a pris le nom de Marie Suvelor"... Dernier né d'une famille de 7 enfants, son père voulait devenir Instituteur, mais sa mère n'a pas eu les moyens de lui permettre de suivre ses ambitions. Il allait néanmoins à pied du Morne Vert au Carbet pour aller à l' école.

Sa mère née en 1891 était d'une famille relativement aisée de Saint Pierre. (Les Danceny - je crois), mais elle a perdu son Père dans l' éruption de 1902, et ne réalisera pas son rêve de faire médecine, "il aurait fallu qu'elle passe son bachot, et vous savez qu'à l'époque (vers 1902) les filles ne passaient pas le baccalauréat à la Martinique". Avant 1926, "le maximum qu'elles pouvaient faire c'est le brevet". Ma mère a travaillé un temps en comptabilité, mais après avoir rencontré mon père elle s'est mariée, etc...


Replaçant l'instruction dans le contexte dans lequel ont vécu ses parents, moins de 50 ans après l'abolition de l'esclavage, il rappelle que les nouveau libres se sont précipités sur l'instruction comme le meilleur moyen de promotion sociale.
"Mes parents n'avaient pas le même goûts en termes de lectures. Mon père c'était plutôt l'histoire, la politique ; ma mère plutôt la littérature ..."

Lui Roland découvre seul ses premières émotions littéraires et romanesques en lisant Balzac, qui restera toute sa vie l'un de ses auteurs préférés, et la poésie en lisant Mallarmé.

S'agissant de l'esclavage : Il n'y avait pas de cours sur l'esclavage, mais la mémoire subsitait. "J'ai connu une cousine ou amie ma grand mère qui était née en 1838 et qui avait vu son père être affranchi." Donc grâce au contact de ces gens quelque part on "savait" ce qu'était l'esclavage.

Roland est en khâgne en 1940 et 1941. (C'est là qu'il rencontre Ady Chéneaux ma mère) qui épousera alors qu'elle en en khâgne, Jacques Petitjean Roget). Il avait comme professeur de littérature Aimé Césaire, qui lui fait découvrir Rimbaud, les poètes et la littérature moderne.
Césaire c'était un professeur "habité", tous ses élèves se souviennent de ses cours.
"Avec lui on était dans le monde de l'essentiel."