samedi 28 avril 2012

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Cout fait !

lundi 3 janvier 2011

ROLAND SUVELOR NOUS A QUITTE



Adieu l'ami!

J'avais prévu de te rendre visite ce dimanche 2 janvier 2011 en ta chambre de l'hôpital où il y a quelques jours Henry mon frère et comme moi ton ami de longue date, nous avions réussi à te faire sourire au récit de Zinga livre que Henry vient tout juste de publier .

Bien sur je savais que tu avais hâte que tout cela finisse. Nous en avions discuté. Tu estimais que ton temps était venu et que en quelque sorte ta maladie te donnait la chance de partir en conservant toute ta lucidité.

Mais et nous, tu nous laisse tel des "nains portés sur les épaules de géants" !
Qu'il est dur de perdre en si peu de temps, ses "poteaux mitan".


Aurais je su lire dans les nuages, en me levant très tôt ce premier jour de beau temps, que j'aurais pensé il y avait un bien étrange ciel. J'étais loin de penser que ce pouvait être un grand humaniste qui nous quittait.

Mais je ne peux m'empêcher de sourire en pensant qu'à ce spectacle tu aurais plutôt dit : "les rats quittent le navire !"

On se serait mis à rire comme on riait en pensant à cette phrase de Bernard Shaw : "la mort est un affreux manque de savoir vivre !"

Te souviens tu des paris que nous faisions et de ce paradoxe dont nous parlions : "je peux faire un calcul de probabilité du jour et de l'heure de ma mort, mais je ne saurais jamais si j'avais raison".

Et bien moi je peux te le dire. Tu est parti , en ce dimanche 2 janvier 2011 vers midi, et que né le 16 novembre 1922, tu étais depuis deux mois dans ta 89 année.

IL Y A UN AN

Il y a pratiquement un an jour pour jour nous étions trois à déjeuner dans un restaurant de Didier que tu affectionnais, et nous aussi.

Il y avait là toi Roland, Edouard De Lepine et moi même. Nous devisions comme au bon vieux temps.




En quelque sorte, "Le bon , la brute et le truand !"


Pour un expert en cinéma, c'est normal.

La discussion allait bon train.







Cela tend à prouver que la tête marche mieux lorsque l'on a pris un excellent vin de Bordeaux.

C'est exactement ce que me disait ma Tante, morte à 103 ans.


Elle nous avait accompagnée à pied au restaurant à plus de 102 ans, juste après son cours d'ordinateur et de photos numériques avec ma fille.

Mais peut être est ce le fait d'être trois qui anime les conversations la preuve avec trois de tes amis que tu reconnais, toi l'adepte du noir et blanc. Il y a bien sur Edouard, mais aussi ma mère Ady que tu as connu sur les bancs du cours de Césaire en 1941, et mon père que tu n'as connu plus tard.


Tu te souviens des discussions avec Papa et Maman à propos des cours de Césaire que vous suiviez Ady et toi. Tu avais 19 ans, Ady 17 et Papa 27 ans.

Il y avait à l' Etat Major durant la guerre trois officiers polytechniciens, métropolitains passionnés de poésie et de littérature et qui avait envoyés leurs femmes suivre les cours de Césaire, dont ils discutaient les notes avec passion. L'un était mon père un des deux autres le père de l' écrivain Daniel Pennac. Ils lisaient aussi la revue Tropique acheté à Fort de France à peu près dans les mêmes conditions que celles qu'avait rencontré Breton, le grand poète, père du Surréalisme. La Martinique était encore une colonie, et pourtant le poète Césaire avait déjà conquis des coeurs bien au delà du cercle de la seule négritude.

Le temps passe !


En avril 2009, tu avais pas pu te joindre à nous lors du méchoui de bouc émissaire que j'avais organisé pour fêter la fin de 17 ans de procédure judiciaire clôturée par un non lieu.

Ady y était, ici en grande discussion avec Dominique T. une de tes amies Roland. Elle a son logement à l'emplacement exact de l'une des batteries d'artillerie commandées par mon Père lors du basculement de la Martinique dans le camps des alliés. Raconté par Euzam Palcy, pour laquelle le cinéphile que tu était avait un petit faible.


Mais qui n'avait pas un faible pour toi ?



Et de cette rencontre en 2005 chez Ady, t'en souviens tu Roland ?



Ady avait accepté d'organiser un repas, pour que ses invités dont certains rêvaient de faire ta connaissance puissent te rencontrer. Tu passionnais ton auditoire. Je suis certain que jean s'en souvient.

Toi tu as du te souvenir de ce colloque de 2002.
Je m'en souviens comme s'en souviennent René Achéen, jean Claude William, Lyne Rose Beuze et bien d'autres.


Nous avions voulu faire de cette soirée une sorte de médaille au grand intellectuel que tu étais, pour remplacer cette Légion d'Honneur que tu avais refusé de solliciter pour toi, alors que tu n'avais pas hésité à proposer que l'on nomme mon Père Officier de la Légion d'Honneur, ce qui vu alors son état de santé fut assez compliqué.



Belle fête en vérité qui avait reçu le soutien d'un très large cercle d'amitiés, dont certains sont restés volontairement discrets.




Comme tu le savais Roland, Ady avait une grande amitié et un grand respect pour toi. Elle admirait à la fois ton érudition, (elle avait pourtant ce qu'il faut chez elle avec Jacques), mais aussi et surtout les manifestations de cette humanisme qui te caractérise si bien. Et nous ses fils, nous avons eu cette amitié en cadeau.



Nous l'avons cultivé dans notre "librairie".




ADY s'en est allée elle aussi il y a un mois.

Nous souhaitons mes frères et moi, adresser nos sincères condoléances à ton fils à tes soeurs, tes neveux et nièces.


Dans un autre message nous parlerons du message que toute ta vie tu t'es efforcé de faire passer dans notre petit pays la Martinique et au delà, mais aussi de tout ce que nous avons échangé et ce que nous avons fait ensemble durant près de 40 ans.

vendredi 20 février 2009

Pour Roland Suvelor, Anca Bertrand et quelques autres

Je ne sais pas si l’amitié se transmet de façon héréditaire, mais en ce qui me concerne, si on me le demandait je serais prêt à en jurer.

Mon ami Roland bien des années avant ma naissance a été le condisciple attentif , de (peut être à) ma mère, attentifs ensemble, en tous cas, aux cours lumineux d’Aimé Césaire en cette toute nouvelle classe d’ hypokhâgne créée durant la guerre. Cette classe fut le précurseur lointain au même titre que l’institut Vizioz de l’université telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Son chemin a failli aussi croiser très tôt celui de mon père. Mais le destin a voulu que le canonnier Suvelor échappe, aux dires de son adjudant de l’époque, à la discipline de fer du Capitaine Coq et du Lieutenant Petitjean Roget. Ils se croisèrent un peu plus tard car, comme disait mon père, « durant cette guerre il avait échappé aux trous de balles , et aussi à ceux des obus qui comme chacun sait sont encore plus conséquents ».

Quand j’ai connu Roland, j’étais encore tout petit, écoutant aux côtés de mes frères, avec attention les conversations. Nos parents nous autorisaient, nous les enfants, à écouter les « grands » à condition de ne pas mettre notre « gains de sel ». Et ces conversations étaient celles, outre de Roland, de personnes qui m’ont beaucoup marquées, elles avaient nom, le Père Pinchon, Anca Bertand, le Docteur Rose Rosette, Alex Bertrand, et son grand ami Emile Hayot, Guy Dubreuil et quelques autres.

• Ils parlaient de gens qu’ils connaissaient ou avaient connu et qui pour moi étaient de véritables statues, du peintre Marillac, des écrivains André Gide, Aimé Césaire, mais aussi de Balzac, de l’anthropologue Michel Leiris, ou de Claude Lévy Strauss.
• Ils parlaient de choses qui nous fascinaient de l’histoire de ce pays qu’il restait à défricher, des mystérieux habitants caraïbes et Arawaks, des traditions populaires. Et à propos de la pensée magique ils s’amusaient de l’étonnement de certains fraîchement débarqués voyant les gens d’ici passer sans aucune difficulté de la réalité à la pensée magique, comme on passe du français au créole.
• Ils parlaient de peinture, ils parlaient de cinéma, de littérature, de philosophie, parfois de politique mais ils parlaient surtout de la Martinique, de l’envie qu’ils avaient de véritablement la découvrir chacun dans les domaines de ses passions.

Et puis il y avait toujours, les anecdotes fameuses et attendues de notre ami Roland. Que d’aventures sur cette « allée des soupirs » aux pieds des tamariniers aujourd’hui disparus de la Savane, ou d’anecdote sur son ami Roland Théolade.

Je ne me rendais pas compte à ce moment, de la chance que nous avions, nous les enfants d’assister ainsi à ces moments privilégiés. La présence chez nous et à notre table, d’Alex et Anca Bertrand de Roland ou des Rose Rosette, et du Père Pinchon nous paraissaient aller de soi, tant nous a été inculqué tôt l’idée qu’il n’y a aucune différence à faire entre les hommes. Ailleurs, si cela ne se passait pas comme chez nous, semblait un énorme gâchis, une perte de ce qui fait la richesse d’une société, sa diversité.

J’ai raconté un jour à mon ami Roland ce qu’a été pour mon frère Hugues, ici présent et moi, une véritable prise de conscience. Nous avions respectivement moi 9 ans, lui 7 ans et la guerre d’Algérie n’avait pas encore commencé.

Un médecin avait diagnostiqué que nous étions tout deux une ménagerie, porteurs de la quasi totalité de tous les parasites que la Martinique aie connue, de la bilharziose aux amibes, en passant par la vaste famille des invertébrés. Il paraît que ces petites bêtes ne supportaient pas le changement d’air, et surtout l’hiver. Nous avions donc été envoyé en France pendant un an Hugues et moi. Nous avons effectué une traversée en bateau, au cours de laquelle nous nous sommes frottés à des « english » et des « ponyoil » enfants qui ne parlaient qu’anglais ou espagnol, avec lesquels nous avons fini par constituer une joyeuse bande.

Nous avons atterri dans un petit village des deux Sèvres chez un couple d’amis âgés de nos parents qui n’avaient pas eu d’enfants. Ce village était à moitié catholique et à moitié protestant. Nous étions catholiques, on nous a orienté vers l’Ecole Libre. Dans ce village nos camarades d’école nous ont demandé, que dis je, nous ont sommé, de reconnaître d’un simple coup d’œil un catholique d’un protestant, le premier étant fréquentable et pas le second. C’était là chose quasi impossible à nos yeux non avertis.

Mais était-ce une question d’œil ?

Hugues et moi, nous en avons discuté dans nos petites têtes d’enfants. Distinguer un blanc d’un noir comme chez nous, va encore, c’est assez facile de faire la différence, encore que pour certain ! Mais faire la différence entre deux fils de paysans poitevins l’un catholique et l’autre protestant alors là c’était vraiment absurde, d’autant que parfois les deux jouaient bien au foot, et c’est ça qui comptait surtout. Décidé, pour nous, pas de différence, à deux on pourra toujours se défendre si l’un ou l’autre est embêté pour ça. Notre sage décision a été acceptée avec soulagement par nos parents adoptifs car elle était protestante, et lui catholique.

Mais si c’est absurde de faire des différences entre les hommes pour la religion, nous sommes nous dit aussi dans nos têtes d’enfants, c’est tout autant absurde d’en faire de même entre blanc et noirs, d’autant que là aussi il y avait de bons joueurs de foot.

Plus jamais nous n’avons accepté de faire de différence entre les joueurs de foot !

Ce qui fait que plus tard nous avons vécu sans aucune difficulté ces nombreux passages successifs au Collège et au Lycée où nous nous sommes fait autant d’amis parmi les joueurs de foot.

Anca nous a proposé de l’accompagner dans les mornes pour prendre des photos, enregistrer les contes et la musique des mornes, à une période ou certains la critiquait fermement car elle, venue de Roumanie, voulait renvoyer les martiniquais dans la barbarie. Nous, nous étions emballés. Nous l’étions au moins autant que d’aller baguer les puffins avec le Père Pinchon, à l’îlet Hardy, ou visiter un marteau de géologue à la main, la savane des pétrifications avec Emile Hayot qui collectionnait alors les pipes et les cailloux autant que les livres, et même aller à la recherche de « platine » , à manioc bien entendu, avec le Père Petitjean Roget.

Nous étions d’autant plus emballés, que les trouvailles qu’Anca faisait, avec nous comme porteurs de matériel, donnaient lieu à d’épiques discussions, auxquelles plus d’une fois a participé Roland. A cette époque a été conçu, les revues d’Anca, et sa revue Parallèle. Je ne crois pas me tromper en disant à Line Rose et à Roland, que quelque part les Cahiers du Patrimoine sont un hommage à la clairvoyance de ce précurseur lumineux que fut Anca Bertrand.

La vie, Roland nous a ensuite rapproché dans bien d’autres domaines, l’amour du Cinéma, cette façon de voir un film autrement que comme une « pièce cow boy ». Nous avons eu ici, dans cette salle des discussions épiques dans les années soixante. Il y eu ici une bataille autour des Carabiniers de Godard, comme ailleurs il y a eu la bataille d‘Hernani. Et j’étais là avec mon amie Edith Kovatz-Beaudoux, qui s’ingéniait en tant qu’anthropologue à prendre ma tribu comme objet d’étude. Roland imperturbable continuait à nous décrypter au delà des images et de l’histoire racontée dans ces films, le fonctionnement de notre propre société.

Les années de braises, la guerre d’Algérie, a attisé les suspicions à la Martinique, et puis il y eu la Révolution Cubaine. Roland était connu comme militant de gauche. Et je dois objectivement dire que cela me fascinait. Que quelqu’un issu de la bonne bourgeoisie foyalaise, puisse assumer avec autant de sérénité ses convictions politiques, les exprimer sans haine et sans passion, mais avec conviction, et restant capable d’écouter les autres, bref de vivre cet humanisme que jusque là je n’avais connu que dans les livres de Montaigne par exemple. Il y avait là de quoi susciter une grande admiration et un engagement personnel.

Après 1968, des années durant, nous avons discuté Roland, autour d’un verre ou d’une tasse de thé, lors des visites que nous échangions à Balata chez Henri, chez moi chez les parents, chez toi ou chez l’un ou l’autre de tes amis devenus les miens par la caution morale que tu apportais à mes engagements. Nous avons participé à bien des choses ensemble, à cette réflexion collective que fut l’aventure de l’Historial, au travail militant au Parti Socialiste, aux réflexions dans des groupes de recherche socialiste. Nous étions tous manieurs de dialectique, un peu marxiste, tendance « Marx Brothers » tenais tu parfois à nous rappeler.

Cette traversée du demi siècle, j’ai l’impression de t’y avoir toujours côtoyé. Roland je n’ai jamais eu la chance comme bien d’autres ici d’avoir été ton élève. Mais si j’osais, je dirai que quelque part à te fréquenter et à t’écouter, j’ai eu l’impression d’être devenu l’un de tes disciples.

Et lorsque l’autre jour le 12 novembre 2002 à ce procès inique ou je me suis retrouvé avec mon ami, que dis je, « mon complice » Edouard Delepine au Tribunal, et que j’ai vu que tu t’es assis au fond de la salle alors je me suis dit que nous avions avec nous, à nos côté l’un des hommes les plus respectables, les plus extraordinaire de ce pays venu nous apporter son soutien, et je t’en remercie.

J’aimerais pour terminer emprunter en l’appliquant à l’amitié, cette pensée du « Père Coco » gardien du jardin Desclieux pieusement recueillie par toi Roland : « Jeunes gens, qu’est ce que l’eau (l’amitié) ? Prenez l’eau (l’amitié) multipliez le par le carré de sa puissance abcédaire, l’eau (l’amitié) sera toujours le même de soi et l’égal de son pareil ».

Bernard PETITJEAN ROGET

lundi 7 janvier 2008

ROLAND DANS LE JOURNAL ANTILLA Partie 3

Les ego et la quête des places en politique

La bataille pour les places a toujours existé, mais "quand on veut s'imposer pour faire quelque chose, on finit parfois par s'opposer pour la place, et non pas pour ce que l'on veut faire."

"Ce qui relevait jadis fondamental (la liberté, la noblesse des luttes, ...) a fini par se fondre aujourd'hui dans une sorte de mélange fait de petites revendication personnelles de services ...et tout cela finit par tenir lieu de convictions."


Un regard désabusé sur le phénomène dit de "mondialisation".


les anciens pays du bloc sociétique sont devenus capitalistes.
A quoi bon les millions de morts, les déportés pour cela.

Les jeunes et l'opacité du monde.
Il leur est difficile de se projeter à moyen ou long terme dans l'avenir alors ils se "débrouillent".

Un phénomène semble à Roland particulièrement inquiétant, le fait que des parents puissent oublier un enfant dans une voiture vitres remontées et qui meurent.

Même si on met de côté cette noble pensée, le fait que la paternité amène à devoir aimer ses enfants lui Roland dit ceci :" l'enfant est celui qui est chargé de garder au mieux, un souvenir , une trace, un patrimoine de ses ascendants."



A propos des évènements de décembre 1959 en Martinique

Ces évènements s'inscrivent 13 ans après la départementalisation comme un virage anti-métropolitains, contre des gens qui ont connu la guerre d'Indochine et la guerre d'Algérie

Roland estime que le mouvement qui transporte en masse des jeunes Martiniquais vers la France tandis que de nombreux métropolitains viennent s'installer à la Martinique est porteur de difficultés à terme, et chez lui bien entendu il ne s'agit pas de racisme une fois de plus, mais d'une analyse quasi sociologique.






A propos de l'adhésion de Roland au PPM

"Je n'étais pas très enthousiaste..." Bien sur il y avait Césaire presque divinisé et les autres ...

Un jour celui ci dit qu'il aurait aimé se remettre à enseigner, c'était encore possible dans ces années 60, mais quand il a dit il faut que je prépare ma succession alors là ....


Césaire aurait proposé à Roland alors qu'il était au PSU de prendre quelques PSU sur sa liste aux municipales, mais finalement ce fut repoussé par le PPM.


Ce n'est que bien plus tard à la faveur de la fusion avec le PSM que Roland se retrouve au PPM. Pas très facile de conserver son indépendance d'esprit et de jugement dans un contexte si particulier du nationalisme exacerbé, et en particulier avec Camille Darsières.





Roland était un trop fin analyste des contradictions que l'histoire renferme ou produit pour se laisser enfermer dans une pensée manichéenne où il n'y a de la place que pour le bien et le mal.

ROLAND DANS LE JOURNAL ANTILLA Partie 2


Roland et Balzac :
Roland est un grand admirateur de Balzac. Ses choix politiques à droite n'avait pas d'importance , car "le plus important était sa vision historique", la façon dont dans le roman il explique l'évolution d'une société .

Roland en conclue que "cela m'a permis de comprendre que l'admiration que l'on a pour un auteur ou un individu quel qu'il soit ne doit pas nécessairement vous amener à adopter ses positions". La même chose le guidera en politique.

Roland et la Politique :
A vingt ans, Roland dit qu'alors il n'a pas vraiment d'idées politiques, mais des penchants pour des notions comme la liberté et la démocratie.
Roland a 19 - 20 ans ne se sent pas vraiment concerné par le régime de Vichy instauré par l' Amiral Robert. Ce n'est que progressivement il prend conscience de ce qu'il y a derrière. Et avec la population il vit le choc des images: " je me rappelle l'émotion et le choc terrible des gens quant au malheur des victimes et survivants des camps d'extermination. Et le questionnement comment des personnes ont ils pu faire cela à d'autres personnes."

Les années d'étudiant après guerre à Paris

Roland est parti à Paris en 1946, il s'inscrit en faculté de droit et faculté des lettres en philo. Il connait la grande époque de Saint Germain des Prés.
"A cette époque là il n'y avait pas cette forme de racisme comme cela est parfois le cas actuellement."
Il n'y avait pas d'hostilité vis à vis des gens "différents".

La majorité des étudiant étaient communistes, lui Roland non.

Dans les années cinquante on ne fait pas dans la nuance : soit on est de droite et même fasciste aux yeux de la gauche, soit on est communiste. Roland qui ne fut jamais de droite ne fut jamais non plus communiste : difficile donc à classer.

Et encore plus lorsque l'on apprend de sa bouche qu'il a lu non seulement les textes de base, mais aussi des textes comme ceux de ceux qui sont passés par les Goulag, comme Victor Krachenko.

L'élément déclenchant de son ancrage à gauche vont être les diverses épisodes des guerres coloniales et la découvertes des exactions du Ku Klux Klan contre les noirs aux USA.

Lui Roland déclare : "J'avais tendance à ne pas m'arrêter au factuel, mais à essayer de comprendre certaines situation en profondeur." Lisant cette phrase de George Bernard Shaw : "l'américain a réduit le Nègre au rang de cireur de chaussure, il en a conclu qu'il n'était bon qu'à ça." En philosophe, il ne s'arrête pas à la boutade, mais au renversement de la cause et de l'effet. Il prend conscience que le racisme fonctionne comme un système de justification de l'esclavage.


Regard sur Frantz Fanon

Une admiration pour "une forme de vivacité, de manière d'aller au plus avant et de répondre avec urgence aux situations."

Fanon parti en dissidence pour se battre contre Hitler et le racisme, s'il fut un anticolonialiste convaincu, "n'a jamais été un anti français, ou anti blanc primaire."

Le PSU et l'après 1959

L'histoire à la Martinique de ce petit parti le PSU parti Socialiste Unifié, reste à à écrire. Il serait temps car la majorité de ses militants historiques s'en vont comme Roland. Son impact idéologique fut proportionnellement inversement proportionnel au nombre de ses militants: une poignée. Les publications très documentées et très critiques du PSU furent attaquées à droite puisque l'on y critiquait la départementalisation, mais aussi à gauche chez les Communistes et à la SFIO .

La force et la faiblesse de ce parti, c'est qu'il n'a pas d'ambition électorale. "Nous avons fait de petites campagnes électorales mais c'était pour prendre la parole." Le PSU cherchait à éclairer les possibles.

Roland, le PPM et Césaire :

Après les élections présidentielle qui portent Giscard au pouvoir, c'est la refondation d'un nouveau parti socialiste et d'une section locale du PS français. Le PSU entre temps s'est auto sabordé et une partie d'entre eux est venu grandir les rangs du PS. Serge jean Louis est alors Secrétaire Général et Claude Lise lui succédera. Mais des divergences importantes se font jour avec les instances nationales du PS, et finalement la fédération locale va éclater donnant d'une part le PSM (parti socialiste Martiniquais) où partent la majorité des militants avec Claude Lise et d'autre part la FSM où reste en particulier Jean Crusol.

Lorsque Roland écrit qu'il y avait dans ce PSM quelques métro, il oublie de dire aussi quelques békés qui n'avait aucune difficulté à militer dans un parti socialiste martiniquais. On trouvait de même cette composition sociologique au GRS. Il va sans dire que ces militants dévoués, ont jugé très sévèrement une éditorial du PPM invitant les français à faire leur valise. Aussi lorsque il fut décidé sans clarification préalable de négocier en bloc, l'adhésion du PSM, au PPM, le rapprochement avec le GRS ayant avorté, ces militants ne purent accepter de se joindre au mouvement, alors que le fait de se regrouper sous la bannière de Césaire les motivaient énormément.

Pas moyen d'en appeler à Césaire. Il était comme isolé dans son propre parti, il a toujours quasi impossible de le rencontrer sans que quelqu'un soit présent. Ou bien alors Césaire invite son interlocuteur à une promenade dans divers lieux qu'il aime et à pied se termine la conversation.

Cette greffe entre PPM et PSM peu préparée en profondeur n'a pas eu tous les résultats escomptés. Des des ex-militants PSM étaient vécu comme une menace pour les postes politiques auxquels les uns et les autres aspiraient. Roland lui n'ayant pas d'ambition personnelle s'en fichait.








ROLAND DANS LE JOURNAL ANTILLA 1

Cet entretien de Roland Suvelor paru dans le journal ANTILLA en Aout / Septembre 2008 est important. C'est l'une des dernières interview écrite qu'il a donnée aussi pour aider ceux qui ne l'ont pas connu ou peu connu, je le reprend intégralement ici.

Première Partie

Roland qui n'aimait pas parler de lui même, mais était un excellent conteur, accepte de se livrer ici en public, comme il le faisait souvent dans les conversations en petit groupe d'amis.

Né à Paris le 16 novembre 1922. Ses parents et lui reviennent à la Martinique alors qu'il a trois mois.

Il passe toute son enfance et son adolescence à la Martinique. Il apprend à lire au couvent de la Redoute sur les hauteurs de Fort de France, (là où trente ans plus tard moi même je ferai de même).

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Il descend en ville, à Fort de France où il entre au "Grand Lycée, qui était à l'emplacement actuel du collège Julia Nicolas, puis entre en 1937 au tout nouveau Lycée Schoelcher. Il passe son bac en 1940.

Il devait partir poursuivre ses études en France, mais avec la guerre "mon père n'était guère partant pour que j'aille à Paris". Il s'inscrit donc à l'Ecole de Droit (Devenu Institut Vizioz) créée en 1880 et que fréquenta entre autres Jules Monnerot.

"En même temps, j'avais un intérêt assez, voire très poussé pour la littérature, intérêt dû en grande partie au fait que j'avais l'avantage d'avoir des parents qui lisaient."

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A la question : "Précisément, quel était le métier de vos parents ?" Roland répond sans détour :" Mon Père est né en 1886. Il était d'une famille du Morne Vert, une famille modeste. Sa Grand mère était fille d'esclave, elle avait été affranchie à l'âge de 27 ans en 1844." "elle a pris le nom de Marie Suvelor"... Dernier né d'une famille de 7 enfants, son père voulait devenir Instituteur, mais sa mère n'a pas eu les moyens de lui permettre de suivre ses ambitions. Il allait néanmoins à pied du Morne Vert au Carbet pour aller à l' école.

Sa mère née en 1891 était d'une famille relativement aisée de Saint Pierre. (Les Danceny - je crois), mais elle a perdu son Père dans l' éruption de 1902, et ne réalisera pas son rêve de faire médecine, "il aurait fallu qu'elle passe son bachot, et vous savez qu'à l'époque (vers 1902) les filles ne passaient pas le baccalauréat à la Martinique". Avant 1926, "le maximum qu'elles pouvaient faire c'est le brevet". Ma mère a travaillé un temps en comptabilité, mais après avoir rencontré mon père elle s'est mariée, etc...


Replaçant l'instruction dans le contexte dans lequel ont vécu ses parents, moins de 50 ans après l'abolition de l'esclavage, il rappelle que les nouveau libres se sont précipités sur l'instruction comme le meilleur moyen de promotion sociale.
"Mes parents n'avaient pas le même goûts en termes de lectures. Mon père c'était plutôt l'histoire, la politique ; ma mère plutôt la littérature ..."

Lui Roland découvre seul ses premières émotions littéraires et romanesques en lisant Balzac, qui restera toute sa vie l'un de ses auteurs préférés, et la poésie en lisant Mallarmé.

S'agissant de l'esclavage : Il n'y avait pas de cours sur l'esclavage, mais la mémoire subsitait. "J'ai connu une cousine ou amie ma grand mère qui était née en 1838 et qui avait vu son père être affranchi." Donc grâce au contact de ces gens quelque part on "savait" ce qu'était l'esclavage.

Roland est en khâgne en 1940 et 1941. (C'est là qu'il rencontre Ady Chéneaux ma mère) qui épousera alors qu'elle en en khâgne, Jacques Petitjean Roget). Il avait comme professeur de littérature Aimé Césaire, qui lui fait découvrir Rimbaud, les poètes et la littérature moderne.
Césaire c'était un professeur "habité", tous ses élèves se souviennent de ses cours.
"Avec lui on était dans le monde de l'essentiel."